Interview d’Elodie, la chargée de mission formation et de capitalisation, en mission auprès des Samusociaux du Pérou en mars 2014, du Maroc en février 2014 et de la Guyane en mai 2014, dans le cadre d’un projet financé par le Fonds Transmission et Fraternité. Ce projet a pour objectifs de renforcer les capacités du Samusocial International dans l’analyse des différentes problématiques rencontrées par les dispositifs Samusocial travaillant auprès des populations adultes, et d’effectuer un état des lieux des différentes réponses apportées afin de pouvoir établir et diffuser des recommandations quant aux réponses à apporter aux problématiques actuelles et émergentes.
1) Quels étaient les objectifs de tes différentes missions ?
Il s’agissait d’un triple objectif. Tout d’abord, je suis partie dans le but d’analyser les pratiques professionnelles à travers les observations de terrain et les échanges avec les professionnels des différents Samusociaux. Ensuite, ma mission consistait à analyser les besoins de formation puis finalement de capitaliser autour de bases de données et d’études de cas pour mieux connaître la population. Tout ça avec l’objectif global de réaliser un cahier de capitalisations sur les missions adultes.
2) Comment se sont déroulées tes missions ?
Chaque mission était préparée en amont au siège en lien avec les directrices locales, notamment pour organiser les questions pratiques. Cette phase de préparation était suivie d’une phase de rencontre et d’observation des équipes. Il s’agissait ensuite d’accompagner les équipes sur les différents services –écoute 115, maraudes, centres, LHSS (Lit Halte Soins Santé) afin de mieux connaître leur travail. J’ai également, à chaque mission, organisé deux ateliers de réflexion, autour d’études de cas et sur le thème « populations et pratiques ». Ces ateliers de réflexion ont mobilisé un grand nombre de professionnels des Samusociaux respectifs (entre 10 et 20 personnes, en fonction de la taille des équipes).
3) Pourrais-tu nous dire une phrase pour caractériser chacun des samusociaux que tu as visités ?
Si je devais caractériser le SamusocialCasablanca en quelques mots, je dirais qu’il s’agit d’un dispositif complet et très englobant. En effet, il propose de nombreux services : maraudes, accueils de jour et de nuit, suivi. Le SamusocialCasablanca est actif 24/24h et 7/7j. Ce dispositif fait le « grand écart » pour s’adapter à un éventail très large de populations (femmes, hommes, enfants, adolescents, personnes âgées). Cette véritable notion d’inconditionnalité dans le travail des équipes est remarquable !
Au Pérou, il s’agit d’un dispositif atypique car les équipes n’interviennent pas en rue, mais en visites à domiciles, chez des personnes vivant dans des conditions de grande précarité dans des habitats insalubres. Le point fort du SamusocialPerú est sa perpétuelle innovation. Ils organisent beaucoup d’actions différentes : des ateliers, des charlas (activités de prévention sous forme de causeries). En une phrase, je dirais que les équipes du SamusocialPerú se caractérisent par leur dynamisme et leur force créatrice.
Les équipes du SamusocialIledeCayenne interviennent dans une zone enclavée, elles connaissent donc très bien les personnes prises en charge, et inversement. Afin d’enrayer le phénomène d’habitus avec un bénéficiaire, les équipes insistent beaucoup sur l’autonomisation de la personne. Le « faire avec » l’usager et non pas « à la place de » permet au SamusocialIledeCayenne d’effectuer un vrai travail de lien sur du long terme.
4) Qu’as-tu le plus apprécié au cours de tes missions ?
C’est tout d’abord le contact avec les équipes. Mais c’est également le fait d’avoir pu rencontrer les différents visages de l’exclusion dans le monde ; l’exclusion est multiple, elle ne touche pas qu’une catégorie de la population.
5) Des anecdotes à raconter ?
Justement, je parlais des différents visages de l’exclusion dans le monde ; au Maroc, il est très surprenant de pouvoir rencontrer au cours d’une même maraude un groupe de jeunes garçons en rue puis de croiser un peu plus loin des personnes de plus de 70 ans.
Au Pérou, l’image qui me restera est celle d’une assistante sociale, qui lors de la journée de la Femme, a pris le micro pour faire un discours en quechua sur la place publique. C’était vraiment un super moment et la première fois que j’entendais parler quechua !
Un soir de maraude à Cayenne, nous avons rencontré des personnes originaires de Syrie. Ils étaient un groupe à avoir fui les conflits dans leur pays. Ils nous ont raconté leur périple pour arriver jusqu’en Guyane, dans l’espoir, ensuite de rejoindre la métropole avec des papiers en règle. Je n’en revenais pas de voir ces réfugiés en Guyane…
6) Quelles sont les conclusions tirées au terme de ces missions ?
Pour les conclusions, il faudra attendre le cahier de capitalisation ! (Elodie travaille actuellement sur un cahier de capitalisation sur la prise en charge adultes, qui sera publié d’ici la fin de l’année 2014).